lundi 12 mai 2014

2014/05/07. Mercredi. Soleil

Palo Alto, CA. Jour 4

Palo Alto, mercredi, 7 mai 2014. Soleil.

 

C’est aujourd’hui que je participe avec Danièle à la rencontre hebdomadaire de son club de conversation française. À tour de rôle, les femmes de ce club reçoivent chez elle autour d’un café et de quelques plats. La conversation roule un peu à bâtons rompus mais en français exclusivement. Or, plusieurs d’entres elles ne parlent pas parfaitement cette langue. Bien que quelques-unes soient d’origine française, la plupart sont américaines ou encore viennent de pays étrangers. Vietnamiennes, japonaises, allemandes, russes ou anglaises, elles échangent agréablement en français. Bien sûr, je dois me présenter, raconter ce que je fais dans la vie, etc. Plusieurs, sinon la plupart ont entendu parler de mon célèbre mari et de sa formidable odyssée. J'en prends du galon, semble-t-il. 


Aujourd’hui, la conversation bifurque sur les différents onomatopées qui décrivent les cris des animaux selon les pays. Alors que les coqs québécois et français font Cocorico, les coqs italiens, espagnols et allemands font Kikiri! Le fou rire nous prend toutes et nous nous amusons comme des fillettes. Un bon moment qui passe trop vite.


Nous revenons à la maison. Nos amis nous attendent ainsi qu’Alcatraz avec qui nous avons rendez-vous à 15h20. 

 

Or, c’est ce matin que Jean-Pierre avait rendez-vous pour faire réparer le RT. Un spécialiste devait examiner notre frigo et un mécanicien installer la penture de la porte de notre soute.

 

Malheureusement, au moment de récupérer le camion, la réparation n’avait pas été faite. Cela perturbait considérablement nos plans. Jean-Pierre s’est donc entendu avec le réparateur. Nous récupérerons le véhicule samedi. Ainsi, Jean-Pierre pourra faire la randonnée en vélo prévue avec Matthew, jeudi et vendredi et nous pourrons poursuivre notre programme de visite de San Francisco.

 

Cette fois, c'est Evelyne qui nous a préparé un lunch que nous prenons en 4e vitesse dans leur VR après quoi, Danièle se dévoue encore pour venir nous reconduire à la gare et nous partons pour San Francisco. Aujourd’hui, une seule activité au programme : la visite d’Alcatraz.


 

De nos jours, l’île d’Alcatraz attire les touristes surtout à cause des prisonniers célèbres qui y ont séjourné notamment, Al Capone. La visite qu’on en propose met d’ailleurs en évidence cette période de l’histoire de l’île, de 1934 à 1963 alors qu’elle servait de centre fédéral de détention. Depuis 1972, l’île fait partie de l’ensemble des parcs réunis sous le nom de Domaine National du Golden Gate et à ce titre, ouvre à ses premiers touristes l’année suivante. 

Deux touristes de plus.

 


Toutefois cette île avait d’abord été fréquentée par des tribus autochtones (Ohlone et Miwok) qui venaient y chercher les œufs des oiseaux, nombreux à passer ou nicher sur l’île. En 1775, les Espagnols y débarquent et donnent leurs noms aux îles de la Baie de San Francisco. En 1847, les États-Unis achètent l’île aux Espagnols et y entreprennent des travaux de fortifications ainsi que la construction du tout premier phare de la côte pacifique, lequel est toujours en place et fonctionnel. 


Durant la guerre de Sécession, la citadelle sert de prison pour des soldats confédérés et pour des civils. En 1915, elle devient officiellement une prison militaire. Vingt plus tard, Alcatraz devient le pénitencier fédéral que l’on connaît. En 1963, c’est Robert F. Kennedy, alors ministre de la Justice qui le ferme, non par grandeur d’âme mais à cause des frais élevés de gestion de ce centre qui n’a jamais fonctionné à pleine capacité.

 

Nous avons été étonnés d’apprendre qu’Alcatraz, aussi isolée soit-elle avait elle aussi connu l’effervescence révolutionnaire de la fin des années 1960. En effet, en 1969, elle a été occupée par des représentants des tribus autochtones qui souhaitaient se la réapproprier au nom de tous les Indiens de toutes les tribus. C’était la toute première fois que les autochotones se réunissaient autour d’une cause commune. Ils escomptaient racheter l’île.

 

On peut lire ceci dans le guide :

« En référence à l’acquisition de l’ile de Manhattan par les Américains en 1626, les Indiens de toutes les tribus offrirent au gouvernement américain d’acheter Alcatraz pour un montant de 24 dollars en colliers de perles, tissus et autre marchandises". Le siège de l’île a duré 19 mois, après quoi, le mouvement s’est essoufflé, les médias d’abord favorables au mouvement se sont désintéressés de la cause et les indiens ont abandonné l’île. En 1972, en réaction, le gouvernement a créé le Golden Gate National Recreation Area y incluant l’île.


L'occupation des bureaux du directeur. (aujourd'hui, seul ce foyer à l'arrière demeure dans les ruines de la résidence incendiée). 



C’est ainsi que nous nous trouvons aujourd’hui à visiter ce complexe qui a été un centre de détention, une vraie prison pour un grand nombre de personnes (1545 prisonniers durant la seule période de 1934 à 1963, sans compter les prisonniers militaires et autres qui les avaient précédé durant la Guerre de Sécession comme après le tremblement de terre de 1906).

 

Nous faisons la visite avec un audio-guide en français. Nous entendons des témoignages de prisonniers et de gardiens, des bruits de portes de cellule qui s’ouvrent et se ferment, des cris de rébellions, des coups de feu, aussi, etc. Nous entrons dans tous les espaces. Comme les prisonniers pouvaient le faire mais animés de sentiments bien différents, nous admirons le panorama de San Francisco. On nous décrit d’ailleurs, les feux d’artifices du Nouvel An que des prisonniers (ceux qui logeaient du bon côté) pouvaient admirer à loisir tout en pensant à tous ces gens qui fêtaient en toute liberté à quelque 2 milles d’eux-mêmes.


Voici ce que pouvaient lire les prisonniers en arrivant à Alcatraz et que nous lisons à notre tour, en faisant la file pour nous embarquer.


Nous prenons nos audio-guides dans ce qui étaient les douches des prisonniers. Non! Malgré les apparences, il n'y a jamais eu de chambres à gaz ici. 

Les corridors portent des noms de rues...données par les prisonniers. 


Connaissez-vous son matricule?

Dans une cellule 

et au trou.

Jean-Pierre dans la cour de récréation


Deux tentatives d’évasion sont demeurées célèbres. La dernière a permis à trois hommes d’atteindre la rive s’aidant de bouées fabriquées avec des imperméables. Ont-ils ou non réussi leur évasion? Nul ne le sait, leurs corps n’ont jamais été retrouvés dans cet eau glacée de la baie et ils n’ont jamais été revus non plus.

 

Personne ne peut visiter une prison le cœur léger. D’ailleurs, le silence règne ici et les échanges ne se font qu’à voix basse. Nous nous sentons oppressés d’un bout à l’autre de la visite. Nous avions ressenti la même chose en visitant la prison de Trois-Rivières. Là, d’anciens prisonniers servaient de guides. Leur animation était très convaincante. D’ailleurs, les conditions de vie à Trois-Rivières nous semblent beaucoup plus difficiles qu’ici. Les cellules, plus petites, la nourriture, moins bonne (Alcatraz était reconnu pour sa bonne cuisine!), les « trous », plus inhumains et la vie, plus dangereuse, d’une façon générale.  À Alcatraz, aucun prisonnier n’avait de droit de sortie contrairement à Trois-Rivières. Cette seule différence instituait une toute autre dynamique. Les détenus qui sortaient été tenus de rendre des services à certains caïds lors de ces sorties. S’ils ne le faisaient pas, ils se trouvaient en fort mauvaise position, à leur retour; s’ils le faisaient, ils se trouvaient pris dans un engrenage qui n’aurait pas de fin. À Trois-Rivières, il y avait une prison dans la prison et les nouveaux venus, arrivés ici pour de menus larcins devenaient rapidement des durs et voyaient leurs peines s’allonger comme en témoignait notre guide d’alors.

 

Ce qui nous a étonné lors de notre visite c’est de découvrir non seulement un pénitencier mais aussi un milieu de vie par ailleurs, tout à fait ordinaire pour les autres habitants de l’ile. Les administrateurs et les gardiens vivaient ici avec leurs familles. Des bâtiments leur étaient réservés. Des panneaux d’interprétation nous montrent des photos de la résidence du directeur qui comptait 17 pièces. Elle a malheureusement été détruite par un incendie en 1970. Les habitants pouvaient aller faire leur course à San Francisco grâce à un traversier qui d’ailleurs, venait chercher la centaine d’enfants qui ont habité l’île pour les conduire à l’école. De nos jours, de magnifiques jardins sont aménagés et l’île entière est un parc.


Un Noël chez le directeur dans les années 1950.



Ce qu'il reste de la maison du directeur incendiée en 1970.


Jeunes filles en fleurs à Alcatraz. Seules les femmes apparentées au personnel ont habité sur l'ile, il n'y eut jamais aucune détenue sur l'ile. 


Le guide que l’on nous remet corrige certaines légendes concernant l’île.


Ainsi, les requins de la baie ne sont pas des mangeurs d’hommes; le détenu Robert Stroud surnommé « Birdman of Alcatraz » ne s’est jamais occupé d’oiseaux ici, c’est plutôt au pénitencier de Leavenworth qu’il s’est adonné à cette activité qui a inspiré le film célèbre; et enfin, on ne sait pas exactement quelle cellule a occupé Al Capone car il a souvent été en isolement et notamment à l’infirmerie.

 

Notre visite terminée, nous courrons pour attraper le trolley bus qui longe Embarcadero et nous rendre le plus rapidement possible à la gare. Essoufflés mais libres…nous attrapons le « bullet » (train rapide) et arrivons à Palo Alto à 19h12. Danièle nous attend à la gare. Nous prenons tous ensemble l’excellent couscous qu’elle a préparé et nous jasons, jasons, jasons longtemps avant de nous séparer pour la nuit. Des petits pots au chocolat garnis de crème fouettée couronnent ce repas. 


Demain matin, Evelyne et Ivano se rendront dans un camping préparer leur départ. Samedi matin, ils s’envoleront pour Toronto puis iront passer quelques jours à New-York avant de regagner leur chez-soi.

1 commentaire:

  1. Super cette visite. Je n'ai eu accès que brièvement à divers centre de détention et surtout à l'admission lors de transport de détenu. Je peux vous dire que les gardiens ne sont pas très souriant, même avec nous, et que les détenus deviennent habituellement très calme quand on entre. DIsons que l'ambiance n'est pas la plus accueillante et c'est bien comme ça. On pourrait en discuter longtemps...

    Je vous laisse et continue ma lecture..

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